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LA STATION-THÉÂTRE
12 mai 2013

LE LIEU (m.à j. 07/23)


LE LIEU dans la ZONE D'OCCUPATION BOULEVARDIERE (juillet 2020)

 

POEMUR 320 Ko Poème sur mur

STATHENEIGE 128 Ko Station theatre extérieur sous la neige photo marion bourdain - Copie

STATHEGRADIN 64 Ko La Station théâtre - le théâtre gradin régie

SALJAR 192 Ko-Salle Jarry Lecture public feu pour illustrer Présentation de saison - - Copie

Carrefour de Beauséjour, route du meuble, La Mézière, à 12 kilomètres de Rennes. Nous sommes au royaume de la bagnole : rond-point à prétention d'oasis, mosaïques de sol à l'usage des pneus, hangars laqués de concessionnaires, potelets affinant les trajectoires, ifs honorant de leur haie un cimetière de voitures, monoculture intensive de conteneurs en pile qui goinfrent une autoroute, échiquiers démesurés occupés sans désir ni jeu par de gros châssis sécurisants où se déversent les caddies, pompes à pétrole et atome en bornes, fontaines à carrosserie, panneaux ici et panneaux là, grossiers idéogrammes pour cerveaux affairés, pédales pour amputés des jambes et volants pour adhérents au sol. Tartinée d'esthétique à satisfaire les bas instincts d'ordre et de rentabilité, la Z.O.B. (Zone d'Occupation Boulevardière) encercle La Station théâtre qui refuse son projet dégradant pour la beauté, l'amour et l'intelligence des êtres.

La vitesse est son ennemie, la religion du loisir et de l'emploi l'hérésie de son art de vivre, son présent une conquête sur ce monde de croissance et de fric, de pouvoir technocratique, de juges véreux et de flics létaux.

Car il faut se battre.

Ancienne station service de carcasses prosaïques, elle s'érige maintenant en belle verrue de chair poétique. C'est la porte mystère du royaume de l'ailleurs ici, avec toute la force de son âme, avec des vrais poètes à l'intérieur, pas des embrouilleurs de la communication, pas des composeurs d'opportunités esthétiques ou intellectuelles, pas de ceux qui méprisent l'âge des cavernes ni des juges de vanité de la taille aventureuse du verbe, pas des fascinés du vidéo-spectacle permanent, pas des robots téléchargés d'esprit sans queue ni tête sans cœur ni poumon sans doigts pour toucher ni orteils pour épouser le chemin, sans poils ni sexe, sans couleur ni appétit, sans curiosité ni partage.

Pas des morts vivants branchés sur l'éternité mais des vivants qui pensent aussi à la mort comme un beau destin d'homme à prévoir au bout de la vie.

Voilà le vivant pilier de La Station théâtre où niche une famille d'où partent des nomades, où reviennent les poètes, qu'entourent des usagers, des engagés, des fidèles conscients du besoin de l'art en nos temps comme le dernier refuge de notre humanité.

 

 

L'art de construire un théâtre, par son co-fondateur*  (juillet 2019)

 

Il y a vingt ans, je m'installe avec une compagnie de théâtre professionnelle dans l'ancienne station service de La Mézière. La Compagnie avait dix ans d'existence et s'appelait Arpion Céleste.
Nom circonstancié puisqu' en m'installant ici je me suis bien rendu compte que je n'avais pas du tout les pieds sur terre.
Un jour, un Président de communauté de communes -que j'avais un peu provoqué sur sa politique de croissance économique- me le confirme :
« Mais Mr De Boodt, la culture, c'est aussi les leçons de bricolage que les magasins Bricocastor vont bientôt dispenser gratuitement à leurs clients. »
Du coup, comme je suis un opportuniste de première, je me dis : « l'art c'est complètement dépassé, en avant la culture ! »
Et avec l'aide de copains et de copines, on fait du gros gros gros bricolage : une transformation radicale de la Station. C'est la fin du pétrole, on va en faire un théâtre atomique, tout éclairé et chauffé au nucléaire. On va contaminer toute la population avec une langue de feu : celle des poètes, on mettra les vieux déchets publicitaires à refroidir dans l'ancienne fosse avec l'huile de vidange -tout le monde n'y verra que du feu- et on va casser les vieux noyaux avec les protons du verbe. Exit les neutrons poussiéreux qui s'immiscent dans la parole des bureaucrates ! Place aux corps qui dansent avec la langue ! On refait tout : des fondations à la toiture, on plante un gradin, des loges, on suspend une régie et on invite des compagnies de toute la France. Et c'est beau ! Du gros bricolage, de la grande culture : 500 M2 tout de même !
Et pendant que les Présidents passent, parfois comme des bolides, la contamination, elle, est interminable : une vraie tortue ! Pas une torture hein, quoique...? Non : une tortue. Avec une carapace, parce que les coups, parfois, ça pleut et qu'il faut bien se protéger. Mais si tu goûtes la chair sous la carapace alors là, tous les naufragés te le diront, et certains pirates aussi : c'est d'une délicatesse ! D'une saveur à te retourner les papilles !
La beauté tu sais c'est fragile mais quand ça te touche, c'est d'une force...
En fin de saison dernière, un chef de service culture, du rayon théâtre d'une autre collectivité que celle-là, vient nous rendre visite. Il enfile sa combinaison anti-atomique, les chaussons, les gants et tout et tout, on le fait passer dans le sas. Il sue à grosses gouttes. Avec les bénévoles, on ne met plus de protection on est complètement contaminés, ça ne sert plus à rien. On lui offre un café. Mais évidemment derrière sa vitre il ne peut pas boire. « Tant pis, qu'il dit, montrez-moi le budget... » Claire, la trésorière, le lui colle sur la vitre de la cagoule et là : miracle, le gars aspire un grand coup, on sent qu'il est comme étouffé. Il dit : « ouvrez, ouvrez-moi vite ! » On lui retire la cagoule, on lui tend son café, il boit tout d'un trait. Il halète un bon moment et quand il est calmé : « Mais comment vous faites ? C'est cinq fois moins que le budget du plus petit des théâtres autorisés.» «On fait avec ce que vous nous donnez mais y a aussi plein d''artistes qui nous aident» qu'on lui répond. «Mais c'est de l'amour », s'exclame-t-il. « Oui, c'est aussi de l'art !» que je lui réponds.
Tout ça pour dire que la culture, tu la trouves peut-être chez Bricocastor, au volant d'une bagnole ou sur le tableau de contrôle d'un réacteur nucléaire, chez Mega Cigeo, à Clac Malo mais l'art c'est quand même autre chose. C'est sensible, ça rend fraternel et libre. Et ça peut résister aux coups. Parce que c'est exigeant, parce que c'est difficile. C'est pourquoi faudrait voir à pas trop en priver les hommes !

Allocution prononcée le 1er juillet 2019 à la signature

des conventions culturelles avec le Val d'Ille-Aubigné

 

* Co-fondatrice : Marion Derrien

 

Voir le reportage photo après le texte de présentation

 

La Station-Théâtre: un lieu contre l'arrachement de la langue par la vitesse et le trafic 

La Station-Théâtre est aménagée dans un ancien garage de mécanique agricole qui fut construit en 1947 à l'entrée du bourg de La Mézière sur la route de Rennes à Saint-Malo. Les années 50 voient le début du développement de l'automobile au détriment des transports en commun. Cela se traduit localement par la suppression du train à voie étroite qui reliait Rennes à Saint Malo d'une part et à Dinan d'autre part et dont la gare d'aiguillage se trouvait à quelques mètres du garage. L'activité de Mr Richard, le mécanicien, s'oriente alors vers les réparations d'automobiles individuelles. Il est réputé notamment des propriétaires de citroën DS qui lui confient la réparation de leurs véhicules sur la route de leurs vacances vers la côte. L'activité s'est doublée d'une station-service et bientôt d'un atelier de carrosserie et de peinture. Au rythme des marées noires, de la pollution atmosphérique, des guerres du pétrole et de la dégradation du cadre de vie par la vitesse et l'artificialisation galopante des terres, le trafic routier s'accroît, la voiture se démocratise et Pompidou, par ailleurs auteur d'une célèbre anthologie de poésie française, lance les grands travaux d'un réseau autoroutier où se ruent les moteurs. Pendant ce temps, au garage de Beauséjour, la famille Richard, qui vit sur place, fait le vide des locaux deux à trois fois par an pour accueillir les représentations de la troupe de théâtre du patronage. Dans toute la France, comme à La Mézière, poésie, théâtre et bagnoles font bon ménage. Dans les années 90 le conseil général d'Ille-et-Vilaine décide d'accélérer la construction des quatre voies, ces autoroutes qui ne disent pas leur nom, de sorte qu'aucune habitation du département n'en soit désormais à moins de 10 minutes en voiture. La construction de l'une d'entre elles entre Rennes et Saint Malo capte le flot d'automobiles qui circulaient devant le garage de Mr  Richard. L'activité de la station-service faiblit alors et la fracturation d'une des cuves au cours d'une livraison de gaz-oil y met un  terme avec pour conséquence une pollution de la nappe phréatique et le gâchis de sa purge par pompage pendant cinq ans. A la fin des années 90, après plusieurs changements de propriétaires, le garage ferme. Le directeur de la compagnie de théâtre de rue Arpion Céleste rachète alors le bâtiment pour y vivre avec sa famille, y répéter ses spectacles et accueillir ceux d'autres compagnies. Cependant, la croissance automobile ne s'arrête pas. En Ille-et-Vilaine comme ailleurs, les pouvoirs publics, quelque soit leur étiquette politique continuent de la financer. Le trafic et la vitesse étant favorisés par des aménagements de plus en plus coûteux et destructeurs de l'environnement, les lieux d'habitation s'éloignent des lieux de travail et les collectivités s'endettent. La population du bourg de La Mézière, situé en seconde périphérie dans le bassin d'emploi de Rennes, double presque en quinze ans. Des complexes commerciaux, dont les aménageurs chantent les vertus d'avenir, surgissent en pleine campagne, avec leurs théories de hangars "basse consommation", leurs noeuds routiers inextricables et leurs ronds points infranchissables pour les piétons et les cyclistes pénalisés par des contournements obligatoires et des priorités aux véhicules les plus agressifs. Rendu au silence durant quelques années, le carrefour où se situe l'ancien garage se voit désormais pris d'assaut par plus de 400 véhicules à l'heure en heure de pointe. Il devient difficile dans ces conditions de faire entendre la parole du théâtre de rue, à moins de céder encore et toujours à la dictature de l'image, immédiatement saisissable au milieu du trafic comme peut l'être la publicité, au détriment de la langue qui a besoin de silence et de lenteur pour prendre son essor. Le directeur de la compagnie Arpion Céleste et sa compagne, après avoir éprouvé les vertus de la lenteur et de la méditation en traversant l'Europe à pied du seuil de l'ancien garage jusqu'en Roumanie, décident alors, à leur retour de ce voyage, de construire un refuge pour la langue en aménageant dans l'ancien garage, à l'endroit où se trouvait la fosse et la cabine de peinture, un petit théâtre de 49 places et de consacrer, dans leur programmation des spectacles, la rupture de la poésie d'avec le génie illusoire du progrès technologique et de la croissance économique. Ainsi naît la Station-Théâtre où l'on cultive aussi désormais un potager dans la terre qui recouvre les anciennes citernes d'essence.

Gwenael De Boodt

 le façade du bâtiment vue depuis la route de Rennes

(Les sculptures sous le auvent évoluent au rythme des diverses éditions du Festival Augustes Pédales)

 

auvent AP 11Augustes_P_dales_Toile_2

auvent billetterieDSC00013

 



L'entrée du théâtre depuis la cour

(avant 2011 puis en Février 2013)

entr_e_salleDSC00048

 

 

La salle configurée en petite scène et gradin sur 6 rang avec espace d'accueil et bar

(scène ouverture mur à pendrillon cour : 5M / profondeur mur à pieds 1er rang : 3M)

DSC00014DSC00015

DSC00038DSC00042

 

La salle configurée en grande scène et gradin sur 4 rangs

(scène ouverture mur à mur : 8M20 / profondeur mur à pieds 1er rang : 6M)

grande_sc_ne_vue_du_gradinJPGgrand_gradin

 

Loge

(kitchenette, douche, wc et mezzanine de couchage)

 

kitchenettedouche

DSC00047entr_e

 

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LA STATION-THÉÂTRE
  • La Station-Théâtre est un lieu de création et de représentations publiques régulières pour les poètes et les comédiens à la Mézière près de Rennes. Notre programmation est vouée aux oeuvres visuellement sobres dont la langue est riche inventive et profonde
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